Concerto pour orchestre

2015

30 min

• Première audition : 14/01/2015, Philharmonie, Paris (France) – Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction).

• Effectif : 3.2.3.2 – 4.3.3.1 – timbales, 3 percussions, piano, harpe, célesta, cordes.

• Commande : Philharmonie de Paris et Orchestre de Paris.

• Éditeur : Gérard Billaudot.

 

La pièce se déroule en quatre mouvements aisément perceptibles [Vivacissimo, Allegro giocoso, Andante moderato, Allegro molto] ; ils sont reliés entre eux par des périodes de transition, caractérisées par une certaine suspension du temps, au cours desquelles se forme et se déforme le matériau thématique [Prologue, Interludes 1, 2 et 3].
Deux motifs principaux structurent la pièce.
Le premier est un « thème-choral » exposé dès le début aux cuivres graves, qui prendra tour à tour la forme d’un thème de passacaille, d’une texture de notes répétées aux cuivres médium-aigus, ou encore de phrases d’accords baroquisantes, déclamées avec vigueur aux violoncelles et altos. En métabole permanente, tout au long de l’œuvre, il ne quittera pas son caractère chromatique et sa structure mélodique en agrandissement intervallique, qui lui confère un certain lyrisme. Construit en trois périodes de quatre notes formant le total chromatique, il engendrera des superpositions polymodales complexes.
Le second motif, sorte de « thème-fanfare » pourrait-on dire, conduira davantage la pièce vers des couleurs plus claires, plus diatoniques, basées sur une extension du mode lydien, des « accords-timbres » mêlant bois, vibraphone et harmoniques de cordes, tout cela sur une rythmique syncopée et plus irrégulière.
Mon but était alors que l’écriture concertante de l’orchestre soit en phase et même renforce l’architecture de l’œuvre. Suivant l’étape du déroulement formel, un éclairage particulier est porté sur tel ou tel pupitre, tel ou tel ensemble instrumental ou encore mode de jeu.
Ainsi le Prologue s’ouvre-t-il par cette longue « phrase-choral » naissant des percussions résonantes mais régulièrement et abruptement stoppée par un trio de percussions qui finit par imposer le premier mouvement. Ce dernier, Vivacissimo, laisse dialoguer la famille des « peaux » (dans les percussions) et un crépitement de cuivres en notes répétées d’où semblent vouloir s’extraire les violoncelles et altos avec leur phrase déclamée aux allures baroques et d’écriture canonique.
Du second mouvement, on retiendra principalement le bruissement legato et rapide des cordes s’enroulant autour des notes du « thème-choral », puis l’apparition du « thème-fanfare » aux bois, dans une écriture en écho multiples et rapprochés. Dans un contexte scherzando, s’extraient des ensembles instrumentaux concertants comme les groupes marimba/clarinettes/harpe ou flûte/harpe/cordes en pizzicati.
Le troisième mouvement, basé sur un thème d’accords, sous-jacent depuis le début du concerto, laisse une part importante aux instruments solistes comme le violon solo, le tuba, allant jusqu’à laisser déployer du grave à l’aigu d’amples phrases ascendantes que s’échangent divers solistes, dans une écriture chambriste semblant surnager au-dessus d’un halo sonore presque hypnotique. C’est à la fin de ce mouvement lent que l’on parvient au « climax » du concerto, marqué par une intense fixation dans le registre suraigu des cordes. Cet élément de tension extrême débouche sur le dernier Interlude de l’œuvre, dans lequel, sur une texture grave et presque informe, essaient de se reconstituer, voire s’entrechoquer, de manière presque aléatoire, les différents éléments constitutifs de la pièce dans une progression ascendante durant laquelle se dessine peu à peu le finale.
Si ce dernier laisse éclater le motif de fanfare aux cuivres et privilégie une écriture dynamique faisant parfois référence à des chorus de jazz, il est parfois assombri par des interventions de cordes qui, par leur intensité dramatique, viennent contrer le caractère presque grotesque vers lequel s’acheminaient les vents. Une dualité qui semble parcourir l’ensemble du Concerto.

Thierry Escaich