Antiennes oubliées

1989

7 instruments

9 min

• Première audition : 26/05/1989, Auditorium Maurice-Ravel de l’École nationale de musique de Montreuil-sous-Bois (France) – ensemble instrumental des professeurs de l’ENM de Montreuil, dir. Daniel Chabrun.

• Premier prix du Concours international André-Jolivet 1989.

• Effectif : violon, violoncelle, flûte, saxophone en mi b, trompette, trombone et percussion.

CD « Musique de chambre » (Chamade 5638).

 

Ce septuor débute dans une sorte de nappe de brouillard, créée par l’enchevêtrement de cellules linéaires obstinées (à la flûte et au saxophone), noyées dans le halo des harmonies du vibraphone.

C’est sur ce tissu sonore que se dessine une ample phrase incantatoire de trompette exposée par bribes, phrase qui, en mourant, laisse peu à peu émerger de brefs élans énoncés au violoncelle. Progressivement, ces soubresauts haletants s’imposent dans un climat de plus en plus fébrile, dans une tessiture de plus en plus aigüe, et amènent le premier sommet d’intensité de l’œuvre.

Après une rechute brutale et hésitante dans l’atmosphère initiale s’ouvre une seconde période où apparaît comme une lointaine réminiscence une longue mélodie aux contours d’antienne grégorienne. Mais, dès sa naissance, une thématique plus lyrique et instable, au violon, vient se superposer à cette antienne. Ces interventions du violon prennent corps sur une texture qui s’épaissit au fur et à mesure qu’elle se complexifie sur le plan harmonique ainsi que dans les alliages de timbres, entrecoupée, brisée à plusieurs reprises par des sortes d’apparitions plus vives (où le marimba domine) laissant entrevoir le troisième volet de la pièce. Un bref sommet d’intensité marque l’aboutissement de cette longue progression sous la forme d’un unisson intense et de déclamations plus lyriques des cordes, un lyrisme à peine suggéré à l’image du type d’expression choisi pour cette pièce : un matériau sans cesse en fusion d’où certains éléments s’extraient pour former des phrases ou autres gestes formels avant d’être à nouveau réintégrés dans le magma originel.

Enfin, le dernier volet de la pièce, tout en semblant reprendre les éléments qui animaient la première partie, demeurera plus instable – sillonné de brefs élans du violoncelle rapidement étouffés – plus rythmique aussi, avec cet ostinato en notes répétées au marimba, et laissera réapparaître, dans une longue désagrégation finale de tous les éléments, cette mélodie de plain-chant. Et c’est cette sorte de chœur lointain qui clora dans un long diminuendo ce poème dans lequel tout semble suggéré mais ne prendra réellement forme que dans les pièces qui suivront.

Thierry Escaich