Visions nocturnes

2004

Mezzo-soprano, clarinet, string quartet & piano

12 mn

After the painting La Descente de Croix by Paul Rubens.

Poem taken from works by Charles Péguy, Paul Claudel, Joris-Karl Huysmans & Blaise Cendrars.

• World premiere: 8/06/2004, Nouveau Siècle, Lille (France) – Doris Lamprecht (mezzo-soprano), musicians of the Orchestre national de Lille.

• Publisher: Gérard Billaudot.

• Commissioned by Palais des Beaux-Arts de Lille and Orchestre national de Lille, within the context of Lille 2004, European Capital of Culture, with the support of Sacem.

The piece was conceived as a sort of prelude to another orchestral work, Vertiges de la Croix, a kind of symphonic poem on Rubens's Descent from the Cross. The orchestral piece attempted to translate the spirit of the canvas in time and to suggest by sound textures both the spiritual signification of the painting as well as the variations of colours that make up the framework. On the contrary, Visions nocturnes relies on poetic texts inspired by this night of Good Friday and the highly different visions that this theme has generated with various authors. In fact, there is nothing in common between the violence of the images suggested by Joris-Karl Huysmans and the mystical declamation of Charles Péguy, or the feeling of intense solitude to which Blaise Cendrars abandoned himself in the most profound doubt. Nothing in common, either, in their poetic language or the rhythm of their phrases. However, by intermingling all these poems and all these visions, I wanted to create a unique drama in crepuscular colours, the remote reflection of the canvas that had generated it.

Thierry Escaich

(Translated by John Tyler Tuttle)

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La pièce fut conçue comme une sorte de prélude à une autre œuvre pour orchestre, Vertiges de la Croix, sorte de poème symphonique sur la Descente de Croix de Paul Rubens. La pièce pour orchestre tentait de traduire dans le temps l’esprit de la toile et de suggérer par des textures sonores à la fois la signification spirituelle du tableau, mais aussi les variations de couleurs qui en font la trame. Visions nocturnes, au contraire, s’appuie sur des textes poétiques inspirés par cette nuit du Vendredi saint et les visions si différentes que ce thème a pu générer chez les divers auteurs. Rien de commun en effet entre la violence des images suggérées par Huysmans et la déclamation mystique de Péguy, ou le sentiment de solitude intense auquel s’abandonne Cendrars au plus profond du doute. Rien de commun non plus dans leur langue poétique, le rythme de leurs phrases. Pourtant, en entremêlant tous ces poèmes, toutes ces visions, j’ai voulu créer un drame unique aux couleurs crépusculaires, lointain reflet de la toile qui l’avait généré.

Thierry Escaich

Poème de Visions nocturnes

Ô nuit de l’ensevelissement
Bras du Christ arrachés, démanchés
Torse rayé de cercles de douves
Mains ouvertes aux doigts hagards
Tombée de cette nuit que je ne reverrai jamais
Ô nuit si douce au cœur parce que tu accomplis et calmes comme un baume
Nuit sur cette montagne et dans cette vallée
Ô nuit, j’avais tant dit que je ne te verrai plus
Nuit, je te vois encore, trois grands gibets montaient et mon fils au milieu
Front démantelé, joues taries, flanc ruisselant inondait la hanche
Face terrifiée frissonnante d’effroi, voici que Dieu n’est plus avec nous
Il est par terre, la meute en tas l’a pris à la gorge comme un cerf
Vous êtes donc venu, vous êtes donc avec nous, vous êtes donc venu Seigneur, vous êtes vraiment avec nous Seigneur
On s’est assis sur Vous, on vous tient le genou dessus
Cette main que le bourreau tord à la droite du Tout-Puissant
Vous êtes pris Seigneur et ne pouvez plus échapper
Vous êtes cloué sur la Croix par les mains, par les pieds
Je n’ai plus rien à chercher au ciel avec l’hérétique et le fou
Ce Dieu est assez pour moi qui tiens entre quatre clous
Les chairs salpêtrées et bleuies, mouchetées comme des coups d’aiguilles
Jambes démantelées s’évidant jusqu’aux pieds et verdissant dans des flots de sang
Face tumultueuse et énorme où frissonnait encore un regard plein d’effroi
L’agonie avait terrifié l’allégresse des bourreaux en fuite
Maintenant dans le ciel bleu nuit la croix paraissait se tasser très basse presque au ras du sol
Dans la nuit infiniment
Seigneur je suis tout seul et j’ai de la fièvre
Mon lit est froid comme un cercueil
Je pense Seigneur à ces heures malheureuses en-allées
Je ne pense plus à vous.

Poem  taken from works by Charles Péguy, Paul Claudel, Joris-Karl Huysmans et  Blaise Cendrars